Conseil de Paris
Séance des 28, 29 et 30 septembre et
1er octobre 2015
Sur proposition de l’exécutif
Vœu relatif à la mobilisation de la communauté de Paris en faveur de
l’accueil des réfugiés
Considérant, le vœu relatif au devenir de
l’ancien lycée Jean Quarré déposé par les groupes Socialiste et apparentés, le
Groupe écologiste de Paris et le groupe Communiste-Front de Gauche ;
le vœu relatif à l’accueil des réfugié-e-s déposé par Groupe écologiste de
Paris ; le vœu relatif aux solutions d’accueil des réfugiés et d’accès aux
soins, déposé par Danièle Simonnet ; le vœu relatif à la FASTI déposé par
Danièle Simonnet, le vœu relatif à l’Hôtel Pernety déposé par le groupe
UDI-Modem ; le vœu relatif à l’ancien lycée hôtelier Jean Quarré déposé
par le groupe UDI-Modem ;
Une arrivée de réfugiés sur le territoire parisien d’une
ampleur inédite depuis plusieurs dizaines d’années
Considérant le préambule de la Constitution du 27
octobre 1946 qui dispose que : « Tout homme persécuté en raison de son action
en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République »,
la Convention de Genève de 1951 et la Déclaration universelle des droits de
l'homme ;
Considérant la place et l’histoire éminentes de la
Ville de Paris dans l’accueil des réfugié-e-s de tous horizons ;
Considérant que, depuis le début de l’année 2015 et tout
particulièrement depuis le mois de juin 2015, de nouvelles personnes migrantes
gagnent Paris, soit qu’elles soient primo-arrivantes en France, soit qu’elles
arrivent depuis Calais après parfois un premier passage à Paris ; que si
Paris est une ville-monde qui est depuis toujours un refuge pour les personnes
les plus démunies, le nombre et le rythme des arrivées est exceptionnel, et
qu’il est illusoire de croire qu’elles vont diminuer voire s’arrêter ;
Considérant que l’arrivée en Europe de migrants en
provenance de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, du Soudan, d’Érythrée, est due à
des facteurs politiques et économiques; que ces populations constituées
notamment de femmes et d’enfants présentent une extrême vulnérabilité et
qu’elles peuvent être victimes de phénomènes d’exploitation et de traite des
êtres humains ;
Considérant les particularités de la
situation parisienne, qui a vu se constituer dans l’espace public des
regroupements de migrants, pouvant dépasser 400 personnes ; que les conditions
de vie sur ces campements ne permettent en aucun cas le respect de la dignité
fondamentale des personnes ; que par ailleurs ces sites font courir à
leurs occupants des risques importants en matière de sécurité ainsi que de
santé publique ;
Une très forte mobilisation des services de la Ville, de
l’État, des associations et des parisiens
Considérant que depuis juin 2015, huit
opérations de grande envergure ont eu lieu permettant de mettre à l’abri plus
de 2 200 personnes ; que ces opérations ont été conçues et mises en œuvre
grâce à un intense travail de coordination entre les services de la Ville, de
l’Etat ainsi que les associations mobilisées ; que chacune de ces
opérations a donné lieu à des retours d’expérience visant à améliorer la
réponse collective proposée aux personnes migrantes, notamment en matière
d’hébergement, de manière à prévoir des lieux adaptés à une mise à l’abri et
pour une durée permettant à ces
personnes d’engager leurs démarches sans rupture de prise en charge et de
bénéficier ensuite d’une orientation vers le dispositif de prise en charge
adapté ;
Considérant qu’ainsi, grâce aux réels efforts
déployés, des solutions d’hébergement ont effectivement été proposées aux
personnes présentes sur les sites au jour des différentes opérations ;
qu’il n’en reste pas moins que les dispositifs sollicités - dispositif national
d’accueil et hébergement d’urgence - sont totalement asphyxiés au vu d’une
demande d’hébergement d’urgence très supérieure à l’offre ;
La nécessité de travailler à des solutions durables
Considérant la mobilisation de l’ensemble de
la communauté de Paris pour l’accueil des réfugié-e-s et les centaines de
contributions reçues à la suite de la Conférence citoyenne organisée le 10
septembre par la Mairie de Paris ;
Considérant la répartition des compétences
entre l’État et la Ville, qui attribue la compétence première à l’État sur ces
sujets ; que la Ville continuera de s’impliquer intensément sur ces sujets
en complément de l’action de l’État,
Considérant le récent engagement du Président de la
République en faveur de l’accueil des réfugié-e-s en France et mettant en avant
« la responsabilité de chaque État membre [de l’Union européenne] et la
solidarité de tous », que le plan de l’État en la matière prévoit
sur le plan national la création de capacités d’accueil supplémentaires à
hauteur de 24 000 places (CADA, hébergement et relogement) ; que l’Etat
travaille à des déclinaisons locales de ce plan et qu’il conviendra
d’apporter une attention particulière à l’effectivité de sa mise en œuvre dans
des délais rapprochés,
Considérant par ailleurs que la situation actuelle ne
doit ni être appréciée seulement à l’aune de l’urgence, ni être réduite à la
seule question des migrants potentiellement ou effectivement demandeurs
d’asile ; qu’en effet les dispositifs d’hébergement d’urgence concernent
un public plus large ; que Paris, en lien avec l’ensemble de ses
partenaires, a élaboré un Pacte parisien contre la grande exclusion afin
d’apporter des réponses concrètes, et réaffirme plus que jamais l’ambition que
porte ce Pacte ;
Considérant que l’ambition de la ville de Paris de
prendre en charge tous ces publics dans des conditions dignes garantes de
l’accès à l’ensemble de leurs droits est indissociable de l’ambition de réunir
les conditions de leur intégration ; et que dans cette optique, il convient notamment de regarder
lucidement l’état des dispositifs d’hébergement d’urgence et des personnes qui
s’y trouvent ; qu’à ce titre, il doit être possible d’étudier rapidement
la régularisation de publics sans-papiers présents depuis plusieurs années sur
le territoire français, dans des centres d’hébergement d’urgence ;
Considérant l’émergence d’un très fort élan de
solidarité pour l’accueil d’urgence et l’intégration des réfugié-e-s qu’il convient d’accompagner et de
pérenniser ;
Considérant la décision de plusieurs arrondissements
de se déclarer « arrondissements solidaires pour l’accueil des
réfugié-e-s » ;
Considérant
que dans le contexte d’urgence humanitaire auquel Paris, comme toutes les
métropoles d’Europe, doit aujourd’hui faire face, la mobilisation de locaux momentanément
disponibles s’impose, dans tous les quartiers de la Capitale et sur l’ensemble
du territoire national, dès lors qu’il s’agit à la fois d’assumer nos valeurs
d’hospitalité vis-à-vis de populations en détresse, et de préserver l’ordre
public, que la solidarité effective avec les réfugié-e-s ne peut se faire sans une implication de tous les
arrondissements ;
Considérant de manière plus générale que l’échelle parisienne ne peut être, à elle seule, appropriée pour apporter des réponses satisfaisantes à ces problématiques d’ampleur tant nationale qu’européenne ;
Sur proposition de l’exécutif, le Conseil de Paris émet le vœu :
- que la ville de Paris mobilise l’ensemble
des moyens à sa disposition afin d’accueillir dans des conditions dignes et garantes
de leur intégration les réfugié-e-s
arrivant sur le territoire parisien en portant une attention particulière,
comme ce fût le cas au cours des derniers mois, à la prise en charge des
publics vulnérables, dont les familles, les femmes enceintes, les femmes
isolées avec enfants et les mineurs non accompagnés ;
- que la ville de Paris contribue à la
mobilisation de bâtiments et de foncier permettant l’ouverture rapide de
nouveaux centres d’hébergement, que cet effort soit équitablement réparti sur
le territoire parisien et que dans cette perspective toutes les mairies
d’arrondissement identifient quels sites peuvent être mobilisés, que l’ensemble
des institutions publiques disposant de bâtiments ou de foncier mobilisable
contribuent au développement de cette offre, que cet effort soit équitablement
réparti sur le territoire métropolitain ;
- qu’une information régulière soit transmise
aux maires d’arrondissement concernant le calendrier prévisionnel des
aménagements effectués dans les sites du domaine intercalaire municipal, qu’il
s’agisse des travaux permettant leur aménagement temporaire en centres
d’hébergement ou des travaux préalables à leur destination finale ;
- que, dans cette perspective, le site dit « Jean Quarré »
dans le 19ième arrondissement :
· soit rapidement mis à disposition de l’État afin d’être transformé
temporairement en centre d’hébergement géré par une association humanitaire
après que les aménagements indispensables auront été réalisés, que pour ce
faire l’État mette à l’abri les personnes actuellement présentes sur le site,
et que les personnes particulièrement vulnérables fassent l’objet d’une prise
en charge immédiate ;
· soit dans un second temps restitué à la ville, afin de procéder aux
travaux permettant la réalisation et l’ouverture dans la mandature d’une
médiathèque conformément à l’inscription du projet dans le plan
d’investissement
- que soient favorisés les échanges, les
rencontres et la co-construction de
projets entre les réfugié-e-s, les habitants solidaires et les forces
associatives au sein des centres d’hébergement ou de tout autre lieu de
proximité pertinent à cet égard;
- que les personnes prises en charge par la
ville de Paris hébergées temporairement à l’hôtel fassent l’objet du même
accompagnement global, notamment en matière alimentaire, sanitaire et
administrative, et que la capacité de prise en charge de ces personnes en
centre d’hébergement soit développée
- que l’Etat présente au Conseil de Paris les
moyens nouveaux qui seront mobilisés pour renforcer les plateformes d’accueil
et d’accès aux droits des réfugié-e-s actuellement sous tension, soit en
ouvrant de nouveaux lieux, soit en renforçant sensiblement les plateformes
existantes ; et que soit créée en complément à ces plateformes une équipe
mobile pluridisciplinaire dédiée permettant une prise en charge rapide quel que
soit le lieu où se situent les personnes ;
- que l’ensemble des contributions des
institutions, associations, entreprises, bénévoles, et citoyennes soient
encouragées, valorisées et coordonnées avec les moyens mobilisés par la ville
dans le cadre d’un plan d’action présenté en Conseil de Paris marquant la
mobilisation de la communauté de Paris pour l’accueil des réfugiés ;
- que ce plan d’action permette de faire face
à l’urgence notamment en matière d’hébergement, d’accès aux droits et aux soins
de tous les migrants, et qu’il réunisse les conditions de l’intégration, que
dans cette perspective le soutien aux associations œuvrant dans ce domaine
fassent l’objet d’un soutien accru de la ville de Paris, et que Paris mobilise
l’ensemble des acteurs susceptibles de soutenir financièrement ces
initiatives ;
- que l’ensemble des moyens nécessaires à la mise en œuvre des mesures
de ce plan d’action soient mobilisés dans le cadre du budget de la ville de
Paris de l’année 2016, et que cet effort budgétaire ne se fasse pas au
détriment du financement des autres interventions sociales de la ville
- que ces mesures soient étroitement
articulées avec les efforts de l’État visant à accroitre sensiblement le nombre
de places d’accueil disponibles et à réduire les délais d’instruction des
demandes d’asile ;
- que les engagements pris dans le cadre du
Pacte parisien de lutte contre la grande exclusion pour l’ensemble des publics en situation de
grande vulnérabilité soient respectés ;
- que la Maire de Paris continue de
contribuer à la réflexion sur l’amélioration des dispositifs d’accueil et d’intégration
des réfugié-e-s à l’échelon national et à l’échelon européen, et que dans cette
perspective la question de l’opérationnalité des accords dits « de
Dublin » soit posée ;
- qu’un bilan de l’ensemble des mesures mises
en œuvre pour accueillir et intégrer les réfugié-e-s sur le territoire parisien
fasse l’objet d’un bilan présenté en Conseil de Paris dans six mois.